REPAS PERFORMANCE le 30 avril
Explorant les rapports entre art et cuisine, Cookbook’19 réunit 25 chefs cuisiniers et 20 artistes internationaux : un état des lieux sur le devenir-art de la cuisine et le devenir-comestible de l’art, sur fond de convivialité et de partage. Pour cette édition, l’artiste Tiphaine Calmettes a travaillé avec la cheffe Antonia Klugmann pour proposer une expérience partagée : Sympathie, contagion et similitude. Le temps d’une soirée, des voix se réunissent autour d’un repas dont les plats deviennent les modérateurs de la discussion. Un moment de rencontre est provoqué dans un lieu reconstitué où les convives nourrissent leurs paroles par les mets et un set de table adapté. La commensalité naissant de la mise en situation mènera les invités à faire communauté, à performer l’alimentation comme une force agissante, favorisant l’échange verbal entre les êtres ainsi que les relations biologiques et symboliques au monde. Les compagnons de table seront pour l’occasion : Christine Armengaud, Nicolas Bourriaud (tbc), Tiphaine Calmettes, Gaëlle Faure, Claude Fischler, Antonia Klugmann, Ariane Leblanc, Andrea Petrini, Jacques Tassin, Leslie Veisse.
La conversation sera enregistrée in situ et diffusée sur l’antenne Tout-Monde de radio R22.
Le repas se tiendra au Morland Living Lab, le laboratoire éphémère situé aux pieds du chantier de l’ancienne cité administrative de Sully-Morland. Le projet de l’artiste produit par le MOCO sera par la suite clôturé par une dernière performance qui se tiendra le 11 mai à La Panacée, à Montpellier.
Les invité.e.s
Jacques Tassin, Chercheur en écologie végétale
Christine Armengaud, s’est intéressé à l’art des potiers japonais, aux figurines et aux jouets essentiellement des jouets écologiques et éphémères. Souvent liés à des rituels magiques, religieux ou curatifs, ces jouets viennent de loin et véhiculent un imaginaire, des métaphores qui ne cessent de l’intriguer, de provoquer sa curiosité, de l’inciter à refaire ses bagages pour en découvrir d’autres.
Claude Fischler, est un sociologue français spécialiste, notamment, de l’alimentation humaine
Ariane Leblanc coordinatrice du projet de La Semeuse aux Laboratoires d’Aubervilliers
Gaëlle Faure, Empirique, chamane, alchimiste
Andrea Petrini, curoteur de l’exposition Cookbook de la Panacée
Leslie Veisse, curatrice
Nicolas Bourriaud , curator
« Sympathie, contagion et similitude est un projet en trois temps constitué d’un ensemble de vaisselle / ex votos en grès, une table ronde / repas et d’une performance.
Pour le deuxième temps, j’aimerais réunir des voix autour d’un repas, comme une table ronde dont les plats seraient les modérateurs de la discussion, un set comestible à adapter. Réalisé en collaboration avec un chef, chaque plat aurait une dimension narrative et/ou conceptuelle invitant ainsi les intervenants à nourrir leurs paroles par les mets.
La vaisselle réalisée en grès non émaillé, représentera des parties de corps, des ex-votos détournés à usage de vaisselle. Ces éléments intermédiaires entre le corps et la nourriture viennent se formaliser comme des prothèses mettant en exergue la distance d’usage. Le moment sera capté via un dispositif radiophonique permettant de partager cet échange et nous invitera à faire attention à retranscrire par la parole les sens sollicités lors de cette expérience.
Le troisième temps sera une performance permettant de partager l’expérience de la table ronde par la mise en récit et en mouvement de la conversation et de la vaisselle produite pour l’occasion. Mes recherches actuelles portent sur les forces agissantes (magie, mythes et rites) et j’aimerais continuer en ce sens en considérant l’alimentation comme telle. J’ai découvert les écrits de Claude Fischler et Paul Rozin sur la relation entre la pensée magique et l’alimentation, sujet qui a d’ailleurs donné lieu à un colloque en 1994. J’aimerais donc aborder les croyances et rituels associés au comestible tout en intégrant les grands principes qui sous-tendent l’histoire de la cuisine et les enjeux sociétaux que cela a engendrés (création d’une communauté, développement de l’agriculture, etc.).
Je partirais tout d’abord de la relation entre une personne et son alimentation, de quelle manière ce que l’on mange raconte ce que l’on est ( «Dis-moi ce que tu manges, je te dirai ce que tu es. » Anthelme Brillat- Savarin Physiologie du goût (1825), Aphorisme IV de Anthelme Brillat-Savarin). Dans l’alimentation il y a une double relation au monde d’une part biologique et de l’autre symbolique. Le deuxième axe me permettra d’aborder la notion de métaphore comestible, à savoir, de quelle manière les rituels alimentaires forment des compositions dont tout est porteur de sens. Ainsi, les questions d’anthropomorphisme à travers les gâteaux figuratifs (Le diable sucré, Gâteaux, Cannibalisme, Mort et Fécondité, Christine Armengaud) rejouent des étapes de passage se jouant de l’ingestion comme incorporation symbolique. J’aborderais également les nombreuses sciences divinatoires liées aux corps ou aux aliments – Anthropomancie : divination par l’inspection des entrailles humaines, évoqué par Homère; Sitionomancie : (sition aliment) divination qui se faisait par l’inspection des aliments; ou encore la Cafédomancie : ou caféomancie est un procédé de divination consistant à présager l’avenir ou autres mystères en interprétant les traces laissées par du marc de café au fond d’une assiette ou d’une tasse, ou sur une serviette… pour n’en citer que quelques-uns.
Il sera aussi question d’aborder l’idée même de cette expérience partagée, la commensalité. « Ce sont des commensalités dont il s’agit et pour lesquelles il faut reconstituer des lieux. La puissance instauratrice de la commune imposera un monde de fragments où l’on pourra se rencontrer », comme nous invite à faire Josep Rafanell i orra dans son livre Fragmenter le monde. C’est dans le commensalisme même que se retrouvent la macro et le micro, du compagnon de table aux interactions biologiques symbiotiques entre deux êtres vivants où les animaux et les végétaux vivants associés à d’autres espèces et profitant de leurs aliments sans leur porter préjudice. Ce sera alors aussi l’occasion de discuter de ce qui fait communauté, allant du commensal au commons tout en revenant à la probabilité que les origines de la cuisine aient favorisé la communication et l’échange verbal à l’intérieur des groupes participants ainsi au processus d’hominisation. Nous aborderons donc la question du commun aujourd’hui tant traité par ailleurs à travers de nombreux livres de théorie critique. »
Tiphaine Calmettes
bio dans résidence et collaboration
